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    • La LĂ©gende de Kaspar Hauser
    • (La Leggenda di Kaspar Hauser)
    • Italie
    • -
    • 2011
  • RĂ©alisation. Davide Manuli
  • ScĂ©nario. Davide Manuli
  • Image. Tarek Ben Abdallah
  • Montage. Rosella Mocci
  • Musique. Vitalic
  • Producteur(s). Bruno Tribbioli, Alessandro Boifazi, Davide Manuli
  • InterprĂ©tation. Vincent Gallo (Pusher et le ShĂ©rif), Silvia Calderoni (Kaspar Hauser), Élisa Sednaoui (la fille perdue), Claudia Gerini (la Duchesse), Fabrizio Gifuni (le prĂŞtre)
  • Distributeur. Les Films Ă  Un Dollar
  • DurĂ©e. 1h35
  • voir la bande annonce

L'imposture du corps, par Estelle Bayon

La LĂ©gende de Kaspar Hauser

La Leggenda di Kaspar Hauser

Kaspar Hauser, le mystérieux « orphelin de l’Europe », a inspiré quantité d’auteurs. Verlaine a tiré un poème de l’histoire fascinante de ce personnage, Peter Handke en a fait une pièce de théâtre, Werner Herzog lui a consacré un somptueux film en 1974, L’Énigme de Kaspar Hauser. Aujourd’hui, l’Italien Davide Manuli porte cette énigme sur grand écran avec l’ambition d’en faire le manifeste d’un nouveau genre. « le cinéma électro » [1]. Le résultat est nettement plus proche de l’électro que du cinéma…

En 1828, le jour de la Pentecôte, un adolescent apparaît sur la place de Nuremberg, hagard, sale, à peine capable de parler. Qui est ce mystérieux garçon dont les traits nobles commencent rapidement à alimenter de folles rumeurs. Pourquoi cet enfant presque sauvage est-il victime de deux tentatives d’assassinat, dont la seconde lui sera fatale. Serait-il le prince héritier de la famille grand-ducale de Bâle. De ce mythe, Werner Herzog avait tiré un sombre long-métrage baigné de romantisme, où l’éducation était synonyme de chute dans la corruption. En nous faisant partager le regard hébété de son jeune héros, L’Énigme de Kaspar Hauser interrogeait subtilement le non-sens du monde à travers le langage, le ridicule des règles sociales et leur conditionnement. Davide Manuli est amateur de non-sens. Beket. son précédent long-métrage (2008, inédit en salles), s’inspirait du théâtre de l’absurde beckettien. Pour sa Légende de Kaspar Hauser. cet ancien assistant d’Abel Ferrara puise à nouveau dans les thèmes de l’écrivain irlandais. tragédie de la naissance, ambiance de fin du monde, pessimisme face à la condition humaine. Sur une île sans nom ni époque échoue le corps de Kaspar, prince héritier mystérieusement volatilisé à l’enfance. Cette étrange apparition perturbe la routine insulaire et tourmente les quelques habitants qui se demandent s’il est un souverain, un simple idiot ou un imposteur. La Duchesse inquiète fait donc appel à son amant Pusher, dealer et tueur à gages (Vincent Gallo), pendant que le jeune homme apprend la vie (devenir DJ) auprès du Shérif (également interprété par Vincent Gallo).

On ne saura pas si Kaspar est véritablement le Prince disparu, mais on découvre rapidement qu’il y a bien un imposteur dans ce film, et qu’il est à ses commandes. La Légende de Kaspar Hauser est une tambouille foutraque de tous les tics du cinéma d’auteur branché. utilisation du noir et blanc (ça fait plus poétique, dixit le réalisateur…), longs plans répétitifs à l’implacable fixité, acteur rebelle au carré, bande-son écrasante de Vitalic, remixeur de Sexy Sushi ou Daft Punk. Ajoutons un peu d’audace en confiant le rôle titre à une jeune DJ punkette performeuse torse nu (Silvia Calderoni), une touche de sadisme gratuit (la pénible scène du chaton), une jolie mannequin en mini-short (Élisa Sednaoui) et une Duchesse vaguement timburtonienne. On obtient un western électro SF introduit par le passage de trois soucoupes volantes qui annoncent un projet trop souligné pour convaincre. La Légende de Kaspar Hauser se veut un OVNI, un étrange objet filmique, un trip. Si les thèmes sont beckettiens, le traitement de l’absurde le confond avec le grand n’importe quoi. Or l’absurde est justement ce qui déraisonne, se détache des normes, tandis que la recette indigeste de Manuli se conforme béatement à toutes les conventions auteuristes arty. sans velléités convaincantes.

Le film esquisse pourtant une ligne directrice prometteuse autour du traitement des corps. Celui, inerte, de l’androgyne Kaspar, se voit peu Ă  peu ramenĂ© Ă  la vie par les pulsations Ă©lectroniques qui entraĂ®nent ses acolytes dans sa chorĂ©graphie libĂ©ratrice (comprendre barrĂ©e). Quand Herzog auscultait l’incohĂ©rence du langage, Manuli prend acte, d’emblĂ©e, de sa propension au non-sens, et transfère son Ă©puisement sur le corporel. Mais les gesticulations de ses figurines (on ne saurait parler de personnages tant ils manquent de profondeur) finissent par lasser, voire exaspĂ©rer, tant elles prennent le dessus sur le maigre rĂ©cit. Le spectateur doit se contenter de regarder pendant de longues minutes le cabotin Gallo et son Ă©lève sans genre s’amuser, demeurant exclu du trip, tel un ado timide qui ne serait pas assez in pour rejoindre les branchĂ©s sur le dancefloor de sa première boum. L’isolement est le sujet mĂŞme de ce long-mĂ©trage qui ressemble davantage Ă  un laborieux assemblage de clips, mais aussi, surtout, sa limite. Tout isole dans cet univers insulaire, (trop) Ă©vidente mĂ©taphore d’un monde contemporain anxiogène. l’île, les casques, les blocs d’espaces-temps butant les uns contre les autres sans fluiditĂ©, l’impossibilitĂ© de communiquer. Le prĂŞtre soliloque sans auditoire, le ShĂ©rif ne transmet Ă  son disciple qu’un « Yeah » parodique, la musique trop forte entrave tout Ă©change verbal. Mais un film sur l’isolement doit-il exclure, aussi, son spectateur. Ce dernier finira par taper du pied, aura peut-ĂŞtre envie d’aller danser, lui aussi, de sortir de la salle de cinĂ©ma oĂą ce film ne cesse de le renvoyer Ă  sa position assise, frustrante, clouĂ© Ă  son siège. Or un film qui donne envie de l’abandonner est forcĂ©ment ratĂ©. Le « cinĂ©ma Ă©lectro » n’est qu’une lĂ©gende mal contĂ©e…